Elle claque la petite porte et s'enfonce dans la nuit.
Le village endormi, au creux des monts neigeux, semble un bijou doré dans un écrin soyeux.
Dans la nuit silencieuse, les petites maisonnettes, accolées les unes aux autres comme pour se réchauffer, écarquillent leurs fenêtres sur la nuit étoilée pleine de promesses. Elles adressent aux cieux leurs lumières multicolores qui clignotent gaiement sur les façades en bois.
Les lourdes guirlandes tracent un chemin laiteux aux contours argentés sous les rayons de lune.
Les flocons tombent doucement sur ses cheveux défaits et les petites gouttes qui glissent sur son front viennent mourir en larmes fraîches sur ses joues rosies par le froid.
Ses pas légers gravent sur la neige des ovales striés, aussitôt comblés par la poudre brillante qui tombe sans répit du ciel noir.
Le silence étincelant n'est brisé par instants que par le discret tintement des boules colorées sur les arbres alentour. Agitées par un petit vent léger, elles s'entrechoquent doucement pour composer une mélodie sautillante qui accompagne ses pas.
Enveloppé dans la cape de velours rouge, son corps frissonne d'avoir quitté trop vite la tiédeur de la couche, dans laquelle repose encore son amour endormi, ses épaules larges sous le drap de coton, ses grandes mains glissées sous l'oreiller froissé et ses paupières closes sur des rêves secrets.
Elle s'éloigne des lumières et plonge dans l'obscurité des chemins qui conduisent aux collines. Ses chevilles menues s'enfoncent dans la neige et les flocons épais se glissent dans son cou. Peu à peu, ses pas deviennent plus lourds, s'enfoncent profondément dans la poudre glacée qui mouille ses genoux.
Pourtant, derrière son regard embrumé par le froid qui l'enserre, brûle une flamme vive qui guide ses pas. Et son amour la berce, la transporte, l'étourdit. Et tout de lui brûle en elle, comme un feu incessant qu'elle ne saurait éteindre. Et tout de lui l'égare, comme un courant fuyant qu'elle ne sait retenir. Lui, son parfum, son souffle, ses baisers… Lui, ses attentes insatiables, ses quêtes inassouvies, ses désirs d'ailleurs et ses yeux plus lointains que toutes les planètes alentour.
Elle murmure pour lui, de ses lèvres glacées, des formules secrètes et d'étranges idées.
Au pied des monts luisants sous les étoiles dorées, mue par ses songes tenaces, ses fantasques pensées, elle déplie ses ailes et se laisse emporter.
Le sol s'éloigne lentement, les scintillements argentés s'estompent pour disparaître tout à fait, peu à peu remplacés par d'autres lueurs. L'espace se charge d'éclairs violacés et d'étincelles bleutées qu'elle observe en silence, le souffle coupé.
Devant ses yeux brillants scintillent mille soleils et le rayonnement blanchâtre qui dessine peu à peu un chemin éclairant.
Les minutes s'étirent et disparaissent. Le temps n'existe plus. Dans l'espace infini, ses rêves n'ont plus de limite. Seuls les battements de son cœur imposent un rythme à ses pensées enivrantes.
Son âme en s'élevant s'emplit de multiples sensations, de chatoyants émois… Ses mains déjà se tendent vers l'immense diamant blanc, dont les contours incandescents enflamment les ténèbres.
Et rien n'a d'importance que cet espoir infini, ce chemin dans les étoiles, ce présent si lointain qu'elle convoite pour lui.
Elle s'éveille au pied de la colline tandis que sonnent au loin les cloches de la petite église qui chantent la nativité.
Ses pas, de nouveau, effleurent le sol moelleux, devant les maisonnettes aux façades orangées sous le soleil levant.
Agenouillée près de son amour, qui lentement s'étire en se frottant les yeux, comme pour retarder l'instant de découvrir ce monde qui le satisfait si peu, elle attend…
Et lorsqu'il semble enfin s'éveiller tout à fait, elle ouvre doucement ses longues mains tremblantes, découvrant, entre ses doigts, un tendre flamboiement qui vient les caresser.
Dans le matin diapré, elle écarte les mains et dépose à ses pieds la lune douce et pleine, dont les rayons ardents illuminent enfin son regard adoré, et dessinent sur sa bouche le croissant espéré.
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