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Empoisonnante Beauté...

Dernière mise à jour : 9 janv. 2020



Empoisonnante Beauté

Dessin Mélitine Burdet

"Les beaux scientifiques sont jugés plus intéressants mais moins crédibles" selon une étude publiée en mai 2017. "Les scientifiques au physique agréable suscitent davantage d'intérêt pour leurs travaux mais sont le plus souvent vus comme moins crédibles que leurs homologues physiquement ordinaires". L'étude insiste sur le fait que l’apparence pourrait "biaiser les attitudes du public et les actions gouvernementales sur des questions scientifiques majeures comme le changement climatique et la biotechnologie".

Donc, si l'on en croit cette étude, il faudrait être "beau" pour être écouté mais il faut être "ordinaire" pour être crédible. Or, les "ordinaires" seront bien aises d'être crédibles s'ils ne sont pas écoutés… Quant aux "beaux", que leur importera d'être écoutés si personne ne les croit ?

Nous voilà donc dans un beau pétrin, me dis-je en cliquant machinalement sur des liens colorés qui me mènent ensuite vers la plus belle petite fille du monde, la candidate de télé réalité la plus sexy en bikini, l'acteur le plus canon, les jambes les plus fines, le ventre le plus plat, et j'en passe, pour arriver finalement sur la page d'un article traitant de la polémique concernant To the Bone sur Netflix, qui met en scène une jeune femme souffrant d'anorexie. Avertissement de l'organisation nationale de la santé mentale de la jeunesse australienne, parmi d'autres qui craignent que la fiction ne devienne guide et référence pour des jeunes filles "tentées" par cette maladie terrible. Information relayée par moult journaux en ligne qui s'interrogent sur cette possible incitation balancée impunément sur écran à de jeunes êtres potentiellement fragilisés.

Comment dire…

Ces avertissements effarés seraient presque touchants s'ils n'étaient relayés par des journaux, magazines ou sites divers qui, tout autour de ces interrogations horrifiées, déversent des encarts clignotants vantant les techniques inratables de déesses calibrées pour avoir un ventre plat sans effort ou perdre cinq kilos en trois semaines.

Où se situe exactement l'incitation, dites-moi ?

Même si ceux qui ont déjà croisé le regard du Diable Anorexie savent combien les racines du mal sont profondes et n'ont nul besoin de guide pour s'installer, il serait souhaitable de ne pas mettre à la disposition de ce monstre tous les outils nécessaires pour lui permettre de parvenir à ses fins.

Regardons cette jeune fille de 15 ans qui clique elle aussi de manière compulsive sur des liens colorés. Les mêmes silhouettes, les mêmes régimes conseillés qui défilent sous ses yeux ont été diffusés, de manières différentes, sur d'autres supports, à son arrière-grand-mère, sa grand-mère, sa mère qui ont fini, elles aussi, par envisager le fait que si leurs postérieurs ne rentraient pas dans un petit 36 ou si leurs décolletés ne respectaient pas les normes minimum, il leur faudrait de toute urgence adopter tel régime ou tel stratagème largement mis en évidence par toutes sortes de médias dictateurs.

Cette jeune fille de 15 ans ne fait qu'intégrer les règles que la société lui laisse dicter en permanence à grands renforts de modèles calibrés sur papier glacé qui servent le culte démesuré à la déesse Apparence. Cette même société qui s'extasie en permanence sur ce qu'elle a décidé être LA beauté. Cette même société qui laisse gommer à grands coups de Photoshop, d'effets de lumière ou de fards appuyés ce qui pourrait altérer ladite beauté, et condamne, dans le même temps, le thigh gap ou le A4Challenge.

Cette même société qui laisse exhiber sans scrupule ce qui peut devenir déclencheur fâcheux ou outil démoniaque d'une maladie potentiellement présente et particulièrement complexe et destructrice, qui fait couler beaucoup moins d'encre qu'elle ne fait couler de larmes, dont on ne connaît toujours pas les véritables causes, et qu'on ne sait à ce jour toujours pas soigner de manière humaine et efficace.

Alors, ne cherchons pas l'incitation sur Netflix, elle est absolument partout, et dangereuse pour des jeunes filles qui ne sont pas "tentées" par une maladie, mais en réelle souffrance physique et mentale.

Mais revenons à l'étude précédemment citée et qui ne fait que constater finalement que les êtres que nous sommes, même s'ils crient haut et fort sur de jolis petits posts Facebook mauves que la beauté est intérieure, ont bien assimilé les normes et proportions qu'on nous sert comme modèles depuis de nombreuses décennies.

Il faut être beau pour être écouté donc, disions-nous, et ordinaire pour être cru. La beauté, telle qu'on nous la représente, placardée en permanence sur tous supports, tend de ce fait, par définition, à devenir ordinaire. Il est donc fort à parier que les beaux scientifiques seront bientôt tout à fait crédibles.

Alors non, ne cherchons plus l'incitation sur Netflix. Cherchons seulement peut-être, devant chaque être qu'il nous est donné de rencontrer, à voir un peu, enfin, au-delà de l'apparence.


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